Il aurait pu rejoindre la famille des peintres animaliers traditionnels et bâtir une carrière sur l’illustration d’ouvrages dédiés à ces chiens qu’il affectionne tant. Il aurait tout aussi bien pu se consacrer à la peinture de commande et immortaliser pour leurs propriétaires des spécimens racés à poils longs ou ras. Mais Thierry Poncelet a choisi une autre voie qui, sans renier son intérêt pour la gent canine, s’est trouvée plus en accord avec une passion pour la peinture classique et un sens de l’humour teinté d’irrévérence.
Né à Bruxelles en 1946, il étudie aux Beaux-Arts et à Saint-Luc avant d’entrer dans l’atelier de Max Massot où il pratique la peinture à l’huile et se forme à la restauration de tableaux anciens. Dans cette discipline ardue qui implique une connaissance approfondie des techniques picturales des siècles passés, Thierry Poncelet fait montre d’un talent certain et acquiert rapidement une solide réputation, notamment dans la restauration de portraits. L’aventure des « aristochiens » naît un jour de la confrontation avec un portrait d’aristocrate à la physionomie particulièrement ingrate. Impulsivement, notre restaurateur peint en lieu et place du laid visage, la tête d’un chien. Métamorphose qui se révèle du plus bel effet et offre un exutoire à la créativité de l’artiste.
Le genre n’est certes pas nouveau et se situe dans la tradition des créatures hybrides, mihomme mi-animal, qui peuplent l’imaginaire depuis la nuit des temps. De nombreux artistes ont en effet trouvé dans cette dualité un moyen d’accentuer certains types, des traits de caractère ou plus généralement de survoler la psychologie humaine en quelques archétypes bien campés. Thierry Poncelet se situe ainsi dans la droite lignée d’un Charles Lebrun ou d’un Isidore Granville, dont les Métamorphoses du jour (1828-29) connurent un succès retentissant et inspireront notamment les surréalistes.
Mais sa démarche part aussi du triste constat que les portraits d’ancêtres, pour prestigieux qu’ils aient pu être, croupissent pour la plupart dans nos greniers à moins qu’ils ne soient relégués dans quelque coin obscur et négligé de tous. Alors pourquoi ne pas donner une nouvelle vie à ces tableaux oubliés ? C’est là que réside le génie de Thierry Poncelet, dans cette reconversion un brin provocante mais Ô combien savoureuse !
Brocanteurs, antiquaires, collectionneurs,... lui fournissent une matière brute dans laquelle il puise les pièces les plus intéressantes pour leurs qualités picturales mais aussi et surtout pour leur atmosphère : situations, poses, accessoires, tenue,... qui se prêteront mieux au détournement du portrait et contribueront à l’expression désirée. Car Thierry Poncelet revendique haut et fort le caractère psychologique de sa peinture. Plutôt qu’un panorama de la famille des canidés, ses portraits s’affirment comme une sorte de comédie humaine, une galerie d’expressions, de tempéraments et de sentiments auxquels l’animal prête ses traits. Et le résultat est à chaque fois saisissant de vérité. Sans doute parce que le chien, plus que tout autre animal, présente un tel registre d’expressions qu’il peut illustrer de nombreux traits de caractères et autant d’émotions. Sans compter la grande diversité de races qui offre déjà un beau panel de physionomies.
Les expositions de Thierry Poncelet en Belgique se font trop rares. Vivant et travaillant actuellement à Monaco, il est accaparé par une carrière internationale qui prouve combien sa peinture est appréciée à travers le monde. Une peinture solidement ancrée dans la tradition classique mais dont l’humour et l’originalité ne peuvent que ravir les amateurs du genre. L’ensemble présenté à la Galerie 87 est donc une occasion unique de faire plus ample connaissance avec ces fascinants « aristochiens ».
Didier Paternoster
Mars 2011